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Inoubliables orages du 28 juin 2005

Première partie : l'après-midi

Deuxième partie : crépuscule et nuit

Voici le récit de ce qui allait devenir une journée inoubliable parmi celles, déjà nombreuses, que j'ai consacré à la poursuite des orages. De l'émotion ! De l'innatendu ! Du grand spectacle ! Voici comment cela a commencé :

Au cours de l'après-midi, j'avais eu tout le loisir de contempler, via les images satellite, la superbe spirale que dessinait sur le Golfe de Gascogne une dépression qui remontait du Portugal vers l'Irlande. Sur le sud-ouest de la France, le ciel s'était couvert pendant plusieurs heures. Cette couverture nuageuse élevée s'était dotée à plusieurs reprises de mammatus parfois fort bien dessinés, comme le montre la photo ci-dessous prise à 16:17 :

Ces mammatus n'ont, dans le cas présent, aucun lien avec une activité orageuse quelconque (contrairement à ceux qui festonnent somptueusement le voisinage de certains puissants orages). Ils révèlent tout simplement une "instabilité négative" dans la partie supérieure de l'étage moyen. Mais c'est quand même la première fois que je peux en observer si longtemps et sur une telle étendue !

Ces nuages se retirent lentement vers l'est, le soleil refait son apparition et la visibilité reste excellente. Mais la vaste zone de ciel clair que me révélaient les images satellite sur les Landes se peuple, Ô joie, d'un superbe cumulonimbus ! :

(image Noaa de 18:49 heure locale - Le point rouge indique ma position, et les deux traits délimitent grossiérement l'angle de vue couvert par l'image suivante en direction de l'ouest). Une enclume étendue couvre une partie de la forêt des Landes. Ce puissant cumulonimbus isolé va poursuivre son extension, et offrir l'aspect suivant vu de chez moi à 19:12 :

A ce moment, le soleil vient de disparaître derrière la vaste enclume, ce qui améliore doublement la visibilité (moins d'éblouissement direct et moins de diffusion atmosphérique, d'où un meilleur contraste) .

Ciel, mais c'est qu'il se rapproche, le bougre ! Si le panache de ce cumulonimbus est rapidement emporté par un flux de sud au niveau de l'étage supérieur, l'orage lui-même "marche en crabe" (comme c'est si souvent le cas) et se dirige vers le nord-est, c'est à dire vers moi !

 

Chaque minute qui s'écoule me permet de mieux distinguer la structure de l'orage. La vue présentée ci-contre, quoique encombrée par quelques fractocumulus, montre assez bien la bordure australe (rétrogressive) de l'enclume, la cheminée d'alimentation se situant dans le quart inférieur droit de l'image :

Je bondis quelques kilomètre vers l'ouest pour me retrouver près du village de Caussens, et à quatre kilomètres au nord-est de Condom. Environné de grands champs de tournesols, je peux y jouir d'une vue dégagée pour observer la suite des évènements :

 

Voyez les nuages stratiformes présents aux environs de la base de la cheminée ascendante. Ils ne sont pas sans évoquer quelques similitudes avec le genre lenticularis.

La séquence de quatre clichés réunis ci-dessus révèle la fixité d'une ascendance qui s'épuise (au centre de l'image). Elle ne bouge aucunement par rapport au paysage, tandis que la masse orageuse se décale rapidement vers le nord-est (clichés pris à 120 secondes d'intervalle et débutant à 19:40).

19:47 : le contraste entre les bases nuageuses si sombres et le ciel dégagé qui sera bientôt de retour est saisissant ! Mais observons de plus près cette fameuse alimentation qui s'épuise :

Très brièvement, l'espace d'une dizaine de secondes, se forme un court tuba. Observation fascinante, je ne sais où en donner de la tête, la paire de jumelles ou l'appareil Photo ? Les deux, bien sûr !

Ce tuba n'est pas le fruit d'une rotation généralisée de l'orage, mais juste un bref tourbillon occurant dans la phase ultime d'une ascendance en train de se tarir. Dans le cas présent, ce phénomène ne présente aucun danger d'extension et ne permet en rien de juger d'une éventuelle organisation cyclonique de tout ou partie de l'orage !

Je parcours 150 mètres supplémentaires pour avoir une vue vers le nord. Il s'agit de pouvoir contempler la suite des événements tandis que l'orage, manifestement en fin de vie, poursuit son bonhomme de chemin vers Agen.

J'espérais pouvoir saisir un éclair parmi ceux qui illuminent de moins en moins fréquemment le rideau de précipitations. Mais mon attention est aussitôt retenue par cette étonnante formation nuageuse, qui va très rapidement évoluer :

Décidement, cette fin d'après-midi est riche en évènements, le ciel ne m'accorde aucun répit ! Au même moment le vent se lève soudain. Des rafales chaudes emportent des feuilles d'arbre, la température n'a pas baissé d'un poil !

19:53 : Ce "nuage en fuseau" prend une allure de plus en plus singulière et passe maintenant au-dessus de ma position. L'effet produit par la perspective est déroutant, et l'illusion se met en place en quelques instants : l'on ne croirait plus avoir à faire à un nuage plat et horizontal mais plutôt assister à la formation d'un gigantesque tuba vertical digne des plus monstrueux orages supercellulaires ! :

Voyez comme la nature se complaît dans l'illusion et aime jouer des tours !

Concernant ce drôle de fuseau nuageux, son mode de formation s'apparentait bien à celui d'un lenticulaire, le nuage révèlant le passage du flux de sud-ouest sur un obstacle invisible. Ce dernier est probablement constitué par de l'air plus dense s'écoulant hors de la cellule orageuse en fin de vie, mais ce n'est là qu'une hypothèse ...

Le nuage en fuseau s'élargit, et sa structure commence à se désagréger. Rapidement il ne reste plus rien que l'allure classique d'un "grain" en train de se résoudre en précipitations, sans manifestations électriques :

Mais l'alerte n'est pas levée, loin s'en faut ! Voici la relève (20:05) :

Une nouvelle cheminée d'alimentation, superbe, s'élève dans l'air limpide, avec cette verticalité caractéristique des orages grêligènes. Remarquez les nuages bas dessinant une "jupe" conique autour de la partie la base de la cheminée. La suite de la soirée allait me réserver d'autres gâteries de ce genre ... Mais pour l'instant voici une vue d'ensemble de ma nouvelle proie :

Comme son prédécesseur, ce cumulonimbus a lui aussi la bonne idée de se trouver en direction de l'ouest et de masquer le soleil, m'assurant des conditions d'observation idéales. Je ne me lasse pas d'admirer la symétrie de son enclume et l'asymétrie de sa structure convective : la cheminée d'alimentation n'occupe même pas le quart gauche du nuage. A la faveur du contre-jour, on peut vaguement distinguer que le reste de l'enclume surmonte un secteur considérablement moins dense, avec peut-être une zone étendue de pluies stratiformes.

20:26 : gros plan sur le cheminée ascendante musclée et compacte. C'est remarquable !

Je ne tiens plus en place , et bondis dans la voiture pour filer voir le monstre de plus près. Le paysage défile alors que je m'approche sensiblement de la base surbaissée, et la lumière se fait étrange :

J'ai maintenant vraiment l'impression de me trouver dans l'un de ces documents vidéo réalisés par ces chasseurs d'orages traquant les supercellules aux Etat-Unis :

Les animations obtenues à partir des clichés fait à cette occasion ne me permettent pas de mettre en évidence une quelconque rotation de cet énorme nuage-mur, on ne peut donc pas parler de mésocyclone dans le cas présent. Mais enfin quand même ! Quelle bête !

Le soleil qui réapparaît inonde de lumière la campagne alors que le nuage mur perd progressivement son dynamisme :

Dans le panorama ci-dessus (vers le nord, 20:50), vous avez à gauche l'orage n°2 qui s'essoufle et, tout au fond à droite, l'orage n°1 maintenant très loin et très applati.

Un coup d'oeil vers l'ouest : d'ici une quarantaine de minutes le soleil sera couché. J'aime voir le jeu de ses rayons au travers des fractocumulus. A droite, la base de plus en plus démantellée de l'orage n°2. Il n'a plus guère de vigueur, mais néanmoins encore assez pour que quelques bourgeonnements puissent encore atteindre l'enclume :

En direction de l'est, je vois de lointains mammatus sur les flanc d'un vaste cumulonimbus (encore un !). Le second cliché détaille la cheminée de cet orage distant vu en direction du sud :

Mais voici que je réalise que de nouveau un cumulonimbus se présente en direction du sud-ouest :

En l'observant attentivement, je comprends vite que cette fois je ne vais pas y échapper ! Il vient droit vers moi, son relèvement (sa position sur l'horizon) ne change pas alors que s'écoulent les minutes et qu'enfle le monstre. L'animation faite à partir des clichés est édifiante à ce sujet, et montre également le rapide flux de sud-sud-ouest qui, en sévissant au niveau de la tropopause, emporte avec lui le panache du cumulonimbus au fur et à mesure qu'il est (copieusement) alimenté par la cheminée convective (ci-contre).

Ci-dessous : j'ai la surprise de retrouver cette structure en "jupe" conique qu'adoptent les nuages bas environnants la base de l'ascendance (pour mieux mettre en évidence cette structure j'ai renforcé le contraste de l'image ci-dessous, prise à 21:13) :

 

La bête s'approche et révèle un visage de plus en plus impressionnant. Quel degré de symétrie étonnant ! C'est exceptionnel ! :

Et ça tourne cette fois ci ! L'animation met en évidence la rotation de l'ensemble autour de cet extraordinaire nuage-mur qui forme donc un mésocyclone !!

Je vous laisse imaginer l'excitation et la fièvre qui me gagnèrent à ce moment là ...

 

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