Voici
le récit de ce qui allait devenir une journée inoubliable
parmi celles, déjà nombreuses, que j'ai consacré
à la poursuite des orages. De l'émotion ! De l'innatendu
! Du grand spectacle ! Voici comment cela a commencé :
Au
cours de l'après-midi, j'avais eu tout le loisir de contempler,
via les images satellite, la superbe spirale que dessinait
sur le Golfe de Gascogne une dépression qui remontait du
Portugal vers l'Irlande. Sur le sud-ouest de la France, le ciel
s'était couvert pendant plusieurs heures. Cette couverture
nuageuse élevée s'était dotée à
plusieurs reprises de mammatus parfois fort bien dessinés,
comme le montre la photo ci-dessous prise à 16:17 :
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Ces mammatus n'ont, dans le cas présent, aucun lien avec
une activité orageuse quelconque (contrairement à
ceux qui festonnent somptueusement
le voisinage de certains puissants orages). Ils révèlent
tout simplement une "instabilité négative"
dans la partie supérieure de l'étage moyen. Mais
c'est quand même la première fois que je peux en
observer si longtemps et sur une telle étendue !
Ces nuages
se retirent lentement vers l'est, le soleil refait son apparition
et la visibilité reste excellente. Mais la vaste zone de
ciel clair que me révélaient les images satellite
sur les Landes se peuple, Ô joie, d'un superbe cumulonimbus
! :
(image
Noaa de 18:49 heure locale
- Le point rouge indique ma position, et les deux traits délimitent
grossiérement l'angle de vue couvert par l'image suivante
en direction de l'ouest). Une enclume étendue couvre une
partie de la forêt des Landes. Ce puissant cumulonimbus
isolé va poursuivre son extension, et offrir l'aspect suivant
vu de chez moi à 19:12 :
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A
ce moment, le soleil vient de disparaître derrière
la vaste enclume, ce qui améliore doublement la visibilité
(moins d'éblouissement direct et moins de diffusion atmosphérique,
d'où un meilleur contraste) .
Ciel,
mais c'est qu'il se rapproche, le bougre ! Si le panache de ce
cumulonimbus est rapidement emporté par un flux de sud
au niveau de l'étage supérieur, l'orage lui-même
"marche en crabe" (comme c'est si souvent le cas) et
se dirige vers le nord-est, c'est à dire vers moi !
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Chaque
minute qui s'écoule me permet de mieux distinguer la structure
de l'orage. La vue présentée ci-contre, quoique
encombrée par quelques fractocumulus, montre assez bien
la bordure australe (rétrogressive) de l'enclume, la cheminée
d'alimentation se situant dans le quart inférieur droit
de l'image :
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Je bondis quelques kilomètre vers l'ouest pour me retrouver
près du village de Caussens, et à quatre kilomètres
au nord-est de Condom. Environné de grands champs de tournesols,
je peux y jouir d'une vue dégagée
pour observer la suite des évènements :
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Voyez
les nuages stratiformes présents aux environs de la base
de la cheminée ascendante. Ils ne sont pas sans évoquer
quelques similitudes avec le genre lenticularis.
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La
séquence de quatre clichés réunis ci-dessus
révèle la fixité d'une ascendance qui s'épuise
(au centre de l'image). Elle ne bouge aucunement par rapport au
paysage, tandis que la masse orageuse se décale rapidement
vers le nord-est (clichés pris à 120 secondes d'intervalle
et débutant à 19:40).
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19:47
: le contraste entre les bases nuageuses si sombres et le ciel
dégagé qui sera bientôt de retour est saisissant
! Mais observons de plus près cette fameuse alimentation
qui s'épuise :
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Très brièvement, l'espace d'une dizaine de secondes,
se forme un court tuba. Observation fascinante, je ne sais où
en donner de la tête, la paire de jumelles ou l'appareil Photo
? Les deux, bien sûr ! |
Ce
tuba n'est pas le fruit d'une rotation généralisée
de l'orage, mais juste un bref tourbillon occurant dans la phase
ultime d'une ascendance en train de se tarir. Dans le cas présent,
ce phénomène ne présente aucun danger d'extension
et ne permet en rien de juger d'une éventuelle organisation
cyclonique de tout ou partie de l'orage !
Je parcours
150 mètres supplémentaires pour avoir une vue vers
le nord. Il s'agit de pouvoir contempler la suite des événements
tandis que l'orage, manifestement en fin de vie, poursuit son
bonhomme de chemin vers Agen.
J'espérais
pouvoir saisir un éclair parmi ceux qui illuminent de moins
en moins fréquemment le rideau de précipitations.
Mais mon attention est aussitôt retenue par cette étonnante
formation nuageuse, qui va très rapidement évoluer
:
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Décidement,
cette fin d'après-midi est riche en évènements,
le ciel ne m'accorde aucun répit ! Au
même moment le vent se lève soudain. Des rafales
chaudes emportent des feuilles d'arbre, la température
n'a pas baissé d'un poil !
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19:53
: Ce "nuage en fuseau" prend une allure de plus en plus
singulière et passe maintenant au-dessus de ma position.
L'effet produit par la perspective est déroutant, et l'illusion
se met en place en quelques instants : l'on ne croirait plus avoir
à faire à un nuage plat et horizontal mais plutôt
assister à la formation d'un gigantesque tuba vertical digne
des plus monstrueux orages supercellulaires ! : |
Voyez
comme la nature se complaît dans l'illusion et aime jouer
des tours !
Concernant
ce drôle de fuseau nuageux, son mode de formation s'apparentait
bien à celui d'un lenticulaire, le nuage révèlant
le passage du flux de sud-ouest sur un obstacle invisible. Ce
dernier est probablement constitué par de l'air plus dense
s'écoulant hors de la cellule orageuse en fin de vie, mais
ce n'est là qu'une hypothèse ...
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Le nuage en fuseau s'élargit, et sa structure commence
à se désagréger. Rapidement il ne reste plus
rien que l'allure classique d'un "grain" en train de
se résoudre en précipitations, sans manifestations
électriques :
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Mais l'alerte n'est pas levée, loin s'en faut ! Voici la
relève (20:05) :
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Une
nouvelle cheminée d'alimentation, superbe, s'élève
dans l'air limpide, avec cette verticalité caractéristique
des orages grêligènes. Remarquez les nuages bas dessinant
une "jupe" conique autour de la partie la base de la
cheminée. La suite de la soirée allait me réserver
d'autres gâteries de ce genre ... Mais pour l'instant voici
une vue d'ensemble de ma nouvelle proie :
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Comme
son prédécesseur, ce cumulonimbus a lui aussi la
bonne idée de se trouver en direction de l'ouest et de
masquer le soleil, m'assurant des conditions d'observation idéales.
Je ne me lasse pas d'admirer la symétrie de son enclume
et l'asymétrie de sa structure convective : la cheminée
d'alimentation n'occupe même pas le quart gauche du nuage.
A la faveur du contre-jour, on peut vaguement distinguer que le
reste de l'enclume surmonte un secteur considérablement
moins dense, avec peut-être une zone étendue de pluies
stratiformes.
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20:26
: gros plan sur le cheminée ascendante musclée et
compacte. C'est remarquable !
Je
ne tiens plus en place , et bondis dans la voiture pour filer
voir le monstre de plus près. Le paysage défile
alors que je m'approche sensiblement de la base surbaissée,
et la lumière se fait étrange : |
J'ai
maintenant vraiment l'impression de me trouver dans l'un de ces
documents vidéo réalisés par ces chasseurs
d'orages traquant les supercellules aux Etat-Unis : |
Les
animations obtenues à partir des clichés fait à
cette occasion ne me permettent pas de mettre en évidence
une quelconque rotation de cet énorme nuage-mur, on ne
peut donc pas parler de mésocyclone dans le cas présent.
Mais enfin quand même ! Quelle bête !
Le soleil qui
réapparaît inonde de lumière la campagne alors
que le nuage mur perd progressivement son dynamisme : |
Dans
le panorama ci-dessus (vers le nord, 20:50), vous avez à
gauche l'orage n°2 qui s'essoufle et, tout au fond à
droite, l'orage n°1 maintenant très loin et très
applati. |
Un
coup d'oeil vers l'ouest : d'ici une quarantaine de minutes le
soleil sera couché. J'aime voir le jeu de ses rayons au
travers des fractocumulus. A droite, la base de plus en plus démantellée
de l'orage n°2. Il n'a plus guère de vigueur, mais
néanmoins encore assez pour que quelques bourgeonnements
puissent encore atteindre l'enclume : |
En
direction de l'est, je vois de lointains mammatus sur les flanc
d'un vaste cumulonimbus (encore un !). Le second cliché
détaille la cheminée de cet orage distant vu en
direction du sud : |
Mais
voici que je réalise que de nouveau un cumulonimbus se
présente en direction du sud-ouest : |
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En
l'observant attentivement, je comprends vite que cette fois je
ne vais pas y échapper ! Il vient droit vers moi, son relèvement
(sa position sur l'horizon) ne change pas alors que s'écoulent
les minutes et qu'enfle le monstre. L'animation faite à
partir des clichés est édifiante à ce sujet,
et montre également le rapide flux de sud-sud-ouest qui,
en sévissant au niveau de la tropopause, emporte avec lui
le panache du cumulonimbus au fur et à mesure qu'il est
(copieusement) alimenté par la cheminée convective
(ci-contre).
Ci-dessous
: j'ai la surprise de retrouver cette structure en "jupe"
conique qu'adoptent les nuages bas environnants la base de l'ascendance
(pour mieux mettre en évidence cette structure j'ai renforcé
le contraste de l'image ci-dessous, prise à 21:13) :
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La
bête s'approche et révèle un visage de plus
en plus impressionnant. Quel degré de symétrie étonnant
! C'est exceptionnel ! : |
Et
ça tourne cette fois ci ! L'animation met en évidence
la rotation de l'ensemble autour de cet extraordinaire
nuage-mur qui forme donc un mésocyclone
!!
Je
vous laisse imaginer l'excitation et la fièvre qui me gagnèrent
à ce moment là ... |
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