Résumé
de l'épisode précédent :
après une fin d'après-midi déjà
remarquable pour un amateur d'orages, je me retrouve, à
la tombée du jour, tremblant de fébrilité
alors que vient droit vers moi un orage hors du commun.
Tandis
que le monstre approche, je multiplie les clichés en
essayant de saisir les éclairs. Ces derniers sont nombreux,
et par deux fois, d'immenses éclairs frappent la campagne
à belle distance de l'orage lui-même, et dans le
champ couvert par mon objectif. Mais, hélas, ces coups
de foudre sont affreusement brefs et je n'ai pas suffisamment
de réflexes pour réussir à les attraper.
Et il en va de même pour les éclairs internuageux,
pourtant beaucoup plus fréquents.
Les
nombreux clichés obtenus à ce moment là
me permettent de monter la petite animation suivante (.gif 198
ko) :
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Les
éclairs, exclusivement internuageux depuis ces dernières
minutes, se manifestent pour la plupart dans ce secteur situé
au nord et au nord-ouest du nuage-mur, en bordure du rideau
de précipitations :
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21:49
: Minute après minute, la structure de ce nuage-mur extraordinaire
se révèle d'avantage :
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Son
aspect semble moins dense maintenant, la "jupe" ressemble
d'avantage à un haillon ... avant de retrouver une nouvelle
vigueur, alors que l'activité électrique devient endiablée
! : |
Effervescence
fulgurante ... Des éclairs parfois puissants illuminent le
plafond nuageux juste au-dessus de moi, mais je sais qu'il est inutile
de rentrer la tête dans les épaules. Malgré
ce feux d'artifice électrique, le tonnerre reste relativement
discret, quoique soutenu et presque continu il n'est pas tonitruant
pour un sou. Cela rend l'ambiance encore plus extraordinaire, sans
même évoquer les nombreuses fusées (prétendument)
paragrêles qui, jaillissant des fermes environnantes, filent
vers ces nuages apocalyptiques. |
Je
suis fasciné par cette "jupe" qui matérialise
un vaste cône autour de la base de la cheminée d'alimentation.
Le phénomène est à rapprocher de celui engendrant
ces nuages orogéniques qui coiffent les sommets que balaie
le vent : l'air ainsi contraint de s'élever se détent,
donc se refroidit, et la vapeur d'eau en se condensant crée
le nuage. Et c'est ce dernier qui permet de visualiser la puissance
de ce qui est en jeu, en matérialisant par cette "jupe"
étonnante cette énorme convergence, ce mäelstrom
dantesque, ce gouffre assoiffé que constitue cet orage
hors norme.
A
22:04 c'est l'apothéose : |
(
Image de la semaine
- juillet 2005 )
Dans
les instant qui suivent, le mésocyclone prend un aspect
encore plus menaçant et compact, comme un fauve se rassemblant
sur lui-même avant de bondir :
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Je
me demande vraiment ce que me réservent les minutes
qui suivent ... |
Vous
préférez avec ou sans éclairs ? ...
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Cet
orage est un Dragon, j'ai photographié sa queue !
Certes,
la situation est pour le moins distrayante, et il est plaisant
de laisser son imagination prendre soin de peupler cette scène
de créatures fabuleuses qui soient à la hauteur.
Mais le traqueur d'orages doit savoir garder l'oeil ouvert,
et ne pas relâcher sa vigilance ... Observez le coté
droit de l'image ci-dessus est vous vous apercevrez que le rideau
de précipitations est en train de devenir un véritable
mur. Et, comme il se doit, je me trouve en plein sur son passage.
Je frémis en imaginant les grêlons qui me sont
peut-être promis dans les minutes qui viennent. Si leur
taille s'accorde à la nature exceptionnelle de cet orage,
ce pourrait être fâcheux pour la voiture que l'on
a bien voulu me prêter pour cette chasse ... il ne s'agit
pas de la rendre toute cabossée et sans une vitre intacte
!
Allez
encore un p'tit pano et il sera grand temps de déguerpir
:
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Voici
un détail de cette image : |
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Un
petit point lumineux, suivi d'une traînée, part à
l'assaut du léviathan météorologique. Il
s'agit de l'une des très nombreuses fusées paragrêles
tiré ce soir là :
Cette
fusée, tirée à proximité de la cheminée
mais non dans celle-ci directement, a peut-être
une efficacité relative, mais j'en doute ... Que dire alors
de toutes celles que je vis partir dans la zone de précipitation
? Dérisoire, inutile, et non dépourvu de danger
pour ceux qui les emploie ! |
Pour
fuir la grêle (et sauver la carrosserie de la voiture -
qui n'a jamais demandée à se retrouver dans des
situations pareilles -), j'adopte une stratégie audacieuse
: puisque la route de campagne s'y prête, je fonce en direction
du nuage-mur pour me retrouver en-dessous !!
Si
il y a bien un endroit où les grêlons seront absent,
c'est sous cette ascendance monstrueuse. Il s'agit là d'un
coup de poker que je ne me serais pas permis sans avoir attentivement
observé l'évolution de cet orage. L'idée
est également d'essayer d'aller rapidement au-delà
du mésocyclone pour pouvoir ensuite me retourner et poursuivre
l'observation, quitte à revenir sur mes pas pour suivre
l'orage dans sa progression vers le nord-nord-est.
Je
fonce alors plein sud tandis que des gouttes d'une taille prodigieuse
maculent le pare-brise. Je nourris l'espoir de réussir
à précéder le mur de pluie et de grêle,
qui lui aussi semble gagner en largeur et s'étendre vers
le sud. L'instant est intense, de nouvelles fusées jaillissent
alors que devant moi, dans l'axe de la route, le nuage-mur prend
l'allure d'un cauchemar atmosphérique qui m'accueille à
bras ouverts.
Soudain,
un calme extraordinaire se fait ! Ça y est, je suis sous
la cheminée, le contraste est incroyable. Pas un souffle
de vent, encore quelques grosses gouttes éparses alors
que j'entends le bruit du déluge que j'ai laissé
deux ou trois cents mètres derrière moi, et que
les lambeaux nuageux qui maintenant me surplombent sont animés
de mouvements turbulents. Dans ces conditions proprement hallucinantes,
il est difficile de ne pas personnifier l'orage, de ne pas le
prendre pour une espèce d'animal gigantesque, malin et
terrifiant, et capable d'enfanter à tout instant quelque
abomination atmosphérique.
C'est
alors que le monstre me dévoile sa trompe hideuse :
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Stupéfait,
je pile devant ce tuba qui se contorsionne devant moi, juste dans
l'axe de la route, plein sud ! Comme un défi ... Hélas
! Je n'ai pas le temps de me remettre du choc que l'appendice
déjà se rétracte. C'est si rapide !
L'image
ci-dessus est une reconstitution fidèle de ce
que j'ai vu, réalisée à partir d'un cliché
obtenu quelques secondes seulement après la disparition
du tuba.
Mais
regardez à droite : le rideau de précipitation n'est
pas en reste, il s'étend vers le sud et je vais bien avoir
droit à l'extrémité de celui-ci, dès
que le nuage-mur se sera écarté. Vite ! Je reprends
la route, mais en très peu de temps je suis atteint par
les premiers grêlons. Je réussis à trouver
un abris relatif derrière un cèdre du Liban. Mais
si jamais le vent se renforce, je m'en éloignerai pour
éviter les chutes de branches. Heureusement les rafales
restent modérées, par contre la grêle prend
de l'ampleur, le bruit devient impressionnant. Les plus gros grêlons
font 12 à 15 mm de diamètre, mais j'apprendrai par
la suite qu'à moins de trois kilomètres de ma position,
ils ont atteint les trois centimètres, ouf !
Au
bout de quinze minutes environ les précipitations s'estompent,
je fais demi-tour pour vite retourner vers une crête de
colline qui puisse m'offrir une vue dégagée en direction
du nord. J'ai l'impression que l'orage s'éloigne plus vite
qu'il n'est arrivé. A 22:38 j'obtiens cette vue au fisheye
de la cellule déjà sur son déclin :
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Voyez
comme il n'y a plus de structure significative à la base
du nuage; celui-ci est en train de s'effondrer en précipitations,
et l'activité électrique conserve son caractère
essentiellement internuageux. L'ex-cheminée d'alimentation,
si vigoureuse il y a une demi-heure de ça, se trouve complétement
à droite sur ce cliché, à peine esquissée,
mais de nombreux éclairs (intre et extranuageux) l'illuminent
encore, |
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Les
coups de foudre que je peux observer sont probablement d'intenses
positifs, comme en témoigne le canal quasi-rectiligne et
non ramifié photographié ci-contre. La foudre semble
tomber non loin du village de Montagnac-sur-Auvignon, situé
sur les coteaux au sud-ouest d'Agen. |
22:41
: l'orage est maintenant suffisamment distant pour que réapparaisse
le halo de lumière de l'agglomération agenaise,
qui diffuse une teinte orange dans la partie postérieure
du noyau de précipitations. Du coté droit, Il
est aisé de constater que l'instabilité est maintenant
insuffisante pour permettre au nouveau bourgeonnement d'atteindre
la tropopause et d'y former une nouvelle enclume. Notez la présence
d'un coup de foudre distant à gauche, il s'agit probablement
d'un autre positif.
Cet
orage va réussir à conserver une activité
électrique au cours de sa traversée du Lot-et-Garonne,
mais il n'a plus grand chose à voir avec la folie météorologique
qu'il m'a offert au crépuscule. Mais l'aventure ne s'arrête
pas là ...
En
direction de l'ouest, une nouvelle cellule (mon quatrième
orage de la soirée !!) attire mon attention par ses clignotements
frénétiques. Il ne semble pas s'écouler
une paire de seconde sans que une ou plusieurs puissantes lueurs
intranuageuses n'illuminent l'incroyable silhouette d'un autre
nuage-mur (encore !) :
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Ce
dernier doit passer à une quinzaine de kilomètres
à l'ouest de ma position, et file vers le nord ou le nord-nord-est
en "visant" la petite ville de Nérac. Sa partie
antérieure est dotée d'une étonnante "lame"
dont la pointe doit évoluer à moins de deux cents
mètres du sol ! |
Difficile
de réaliser un panorama avec ces éclairs qui produisent
des illuminations non calibrées en température
de couleur !
Pas
de rotation pour ce nuage-mur ci, mais de nouveau je me trouve
dans une situation privilégiée pour parfaitement
l'observer "de profil". Il se comporte comme une écope
démesurée, ornée d'une double "jupe"
à l'avant, élément qui n'est pas sans me
faire penser à l'avant d'un chasse-neige.
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Les
lumières de Nérac éclairent l'avant du nuage-mur,
qui semble maintenant muni de griffes proéminentes. La
partie supérieur est très turbulente. Il me fait
penser à une locomotive à vapeur style far-west
avec son pare-buffle à l'avant et ses nuées de fumées. |
Ci-dessus
une vue générale à 23:10. Toutes les précipitations
se produisent au delà de Nérac, c'est-à-dire
au nord-ouest du nuage-mur, ce qui ressemble à la situation
de l'orage précédent. |
Sept
minutes plus tard, l'orage s'est suffisamment éloigné
pour que je puisse distinguer le rebord de son enclume bien ronde.
Comme souvent pour les orages en fin de vie, les coups de foudre
se font rares et l'activité électrique se manifeste
essentiellement sous forme intra- ou internuageuse. Les précipitations,
assez intenses, se trouvent toutes dans la partie gauche de l'image.
Sur l'image suivante, le nuage-mur se résume à bien
peu de choses ! : |
23:24 : l'orage
s'étiole, mais un nouveau bourgeonnement, magnifiquement
illuminé de l'intérieur par de précoces décharges
intranuageuses, se développe sur son aile orientale : |
L'éclair
en bas à droite est produit par la cellule qui m'avait
procuré tant de sensations fortes au début du crépuscule.
Elle a poursuivit sa route vers le nord et doit se trouver, au
moment de la prise de vue, au-dessus de la Dordogne. Mais elle
ne délivre plus qu'une bien maigre activité électrique.
De
retour chez moi vers minuit et demi, je n'allais pas encore dormir
! L'orage précédent a généré
une nouvelle cellule à l'activité électrique
soutenue. Elle passe en direction du nord, au-delà d'Agen,
mais je suis arrivé à saturation !
Enfin,
presque ... |
Bien
plus tard dans la nuit, sous la Grande Ourse indifférente,
des orages isolés sillonaient encore la région,
comme en témoigne ce cliché pris à trois
heure moins dix du matin !
Bon,
ça suffit comme ça, au lit maintenant !
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