Plongée dans le givre

Je vous invite à une immersion dans un univers insoupçonné : celui que nous révèle le givre vu de très, très près. A la faveur d'une période de brouillard givrant en décembre, puis de la récente offensive hivernale, j'ai eu tout le loisir de m'émerveiller devant les structures étonnantes qu'adoptent les cristaux de givre. Ces orfèvreries géométriques sont à la portée de chacun, il suffit de prendre le temps de contempler ce qui se trouve sous votre nez !

Les photos qui suivent ont été prise avec reflex numérique Pentax *ist Ds, doté d'un objectif Sigma Macro EX de 105 mm de focale, auquel s'ajoute, selon les cas, un jeu de bagues-allonge Pentax, un trépied employé tête en bas et une télécommande filaire pour réduire les vibrations, redoutables lorsque l'on effleure le domaine de la microphotographie. Dans la plupart des cas l'exposition a été réglé manuellement, la mise au point est elle systématiquement manuelle.

Le givre se plaît sur tout support, voyez plutôt :

 

Sur une feuille de platane ...

... de lierre ...

... d'érable ...

... les feuilles de ce charme n'ont aucune raison d'y échapper ...

... pas plus que les boutons de rose !

... ni les branches de prunus, uniformément givrées ...

... par contre j'achoppe sur cette singulière feuille de robinier, dont seulement une partie est couverte d'une épaisseur significative de givre.

Pourquoi la moitié ? Quelle obscure loi physique est donc responsable d'une inégalité si tranchée à la surface de cette modeste feuille ?

Pas de mystère ! La partie droite de la feuille est plaquée contre la dalle en béton, elle est donc "immergée" dans la couche limite de celle-ci (la couche d'air qui "adhère" à la surface). Elle est de ce fait beaucoup moins exposée à rencontrer des molécules ou gouttelettes d'eau en suspension propre à alimenter la croissance du givre à sa surface. La partie gauche, au contraire, n'est pas au contact du support mais un à trois millimètres au-dessus, ce qui lui permet de collecter l'eau bien plus efficacement.

Poursuivons l'édifiante énumération des supports aptes à s'orner de givre :

Cette feuille de rosier présente d'avantage d'aiguilles de glace sur son limbe qu'en son centre : même raison que précédemment, c'est encore une question de couche limite !

Seul le haut des herbes est givré, mettant en évidence une couche limite épaisse d'une quinzaine de centimètre à la surface de ce terrain en friche (d'autres phénomènes interviennent dans ce domaine spécifique du microclimat au sens propre, la couche limite n'explique pas tout !)

Délicats cristaux dressés sur des tiges de clématites, mais seulement sur la face supérieure. Encore une histoire de couche machin, me direz vous... Eh bé non, cette fois ci c'est le soleil qui est en jeu : le givre à disparu du coté exposé à la chaleur de notre étoile, tout simplement !

Vous constaterez que le support ci-dessous se prête très bien au givrage :

Je me demande comment cette écaille de pomme de pin à pu aussi bien se verrouiller dans ce grillage couvrant un puis.

L'extrémité de ce fil de fer n'échappe pas aux aiguilles de glace.

L'image suivante nous plonge au cœur d'une toile d'araignée :

Les "patates de glace" qui s'y trouvent accrochées sont tout simplement des gouttes d'eau, issues du la fonte du givre la veille, et recongelées au cours de la nuit suivante. Ci-dessous un autre aperçu de ces écharpe dentelées que porte d'infîmes fils de soie :

 

Les clichés qui suivent ont été pris au ras du sol, le 26 janvier dernier. Au cours de la nuit qui précéda, la température était descendue à -12°C au niveau du sol, ce qui a favorisé l'apparition de givre adoptant des formes de cristallisation moins communes. Pour obtenir certaines de ces photos, j'ai du opérer à plat ventre, l'appareil posé sur un "bean bag" improvisé. Ces conditions de travail était relativement confortables (je ne souffre guère du froid lorsque la passion me tient), jusqu'à ce que le soleil ne réussisse à faire fondre, par endroit, la surface de la boue ...

Toujours est-il que, grâce au froid, j'ai pu bénéficier lors de cette matinée d'un délai beaucoup long que de coutume pour photographier ces cristaux, tout en bénéficiant d'un ensoleillement intense.

Pour commencer une "vue générale" de la scène. L'empreinte d'un talon en haut à droite donne une idée de l'échelle :

Gros plan maintenant sur cette attrayante structure :

Approchons-nous :

Une autre structure plus modeste :

Plus près, toujours plus près :

Je découvre aussi cette surprenante "machoire de glace" ! :

Les photos ci-dessus sont prise à la verticale, l'appareil se trouvant au-dessus du sujet. La suite de mes investigations allait m'amener à passer à l'horizontale, en découvrant des cristaux en rideau dont je ne soupçonnais même pas l'existence ! :

Ces rideaux ne mesurent que quatre à huit millimètres de haut, mais recèlent des joyaux ! Ces dentelles délicates "pendent" exclusivement au bord de plaques de glace recouvrant presque complètement de petites dépressions du sol. Ces trous contenaient de l'eau, qui a gelé en surface (d'où la plaque de glace), mais simultanément l'eau disparaît dans le sol : la glace reste dans le vide. La vapeur d'eau que libère le sol (c'est un phénomène permanent) trouve une échappatoire là où la glace présente une ouverture, alimentant la croissance des cristaux. Dans certains cas les rideaux ainsi formés sont horizontaux (ce que j'avais déjà observé),mais ce matin ces "cascades de diamants" furent une découverte pour moi.

Je poursuis ma moissons photographiques en me tournant vers des brins d'herbe à contre-jour :

C'est-y pas beau, ça ?

Les cristaux se développent en plaquettes hexagonales, symétrie caractéristique de la cristallisation de l'eau. La forme des cristaux dépend de plusieurs facteurs, dont essentiellement l'humidité et la température. Lorsque l'humidité ne manque pas, on rencontrera fréquemment du givre en aiguilles (comme celui sur le barbelé), configuration fréquente pour une température de l'ordre de -5°C. A plus basse température, ces aiguilles sont toujours possible, mais si l'eau abonde on assistera à la formation de plaquettes hexagonales, telles celles visibles ci-dessus. Lorsque ces plaquettes peuvent croître suffisamment longtemps, que l'humidité est disponible (diffusion d'eau par le sol et la neige à proximité) et le refroidissement important, le mode de croissance change, et de plaquettes plates on passe à l'élaboration de pyramide creuse munies de gradins, ressemblant à des coupes hexagonales stylisées :

Outre les brins d'herbe du Gers, on rencontre également ce type de cristallisation dans le manteau neigeux lui-même. On parle alors de givre de profondeur et de neige à gobelets, redoutable par son manque de cohésion.

Et de la neige, nous en avons eu! . La veille de ces photos de givre, une couche d'une dizaine de centimètre présentait une consistante lourde et collante, idéale pour faire un bonhomme de neige.

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Givre et glace

Formation du givre