Cette
soirée était promise à la contemplation des
cieux. Mais il s'agissait initialement de se consacrer aux astres,
rassemblés autour du télescope. Mais la balade astronomique
entre amis fut progressivement compromise par l'arrivée,
à haute altitude, d'un voile nuageux de plus en plus opaque,
condamnant toute tentative d'observation. Ces nuées de
cristaux de glace étaient issues de vastes panaches produit
par plusieurs cumulonimbus se développant en soirée
sur les Pyrénées espagnoles. Et le flux de sud-ouest
qui les amenait dans le ciel de Gascogne allait également
permettre à l'instabilité présente sur la
péninsule ibérique de déferler nuitamment
sur le Gers.
Bien
entendu, j'allais être irrésistiblement attiré
par ces clignotements répétés qui illuminaient
l'horizon en direction du sud et du sud-ouest. Le télescope
vite rangé dans le coffre de la voiture, j'allais me poster
sur un sommet de colline à deux kilomètre au sud
de La Romieu pour apprécier le spectacle. Comme les lueurs
d'éclair, de plus en plus fréquentes, avaient un
relèvement constant (elles restaient dans la même
direction) tout en paraissant de plus en plus proches, j'en déduisis
qu'il y avait de bonnes chances que l'orage vienne directement
sur moi.
Une
fois de plus, je n'allai pas être déçu ...
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A minuit passé de six minutes, l'activité électrique
est bien présente quoique irrégulière. Aux
coups de foudre intensément lumineux répondent de
vastes lueurs illuminant l'armée des nuages en approche.
Magie de la photographie, ces éclairs presque entièrement
intranuageux permettent cependant d'enregistrer sur l'image la
présence de précipitations significatives en train
de passer à l'ouest de ma position, au-delà de Condom,
ainsi que quelques mammatus pas très bien dessinés.
Ci-dessous
: En direction du sud, je vois la limite de l'extension de la
base de cet orage multicellulaire : au-delà de ces lourdes
virgae, susceptible de se transformer en averses s'il n'y avait
une évaporation considérable vers trois mille mètres
d'altitude, le ciel est clair et la Lune presque pleine (mais
masquée par les nuages) illumine un ciel serein à
l'arrière plan. Ces conditions d'éclairage inhabituelles
confèrent une atmosphère très particulière
à cette nuit chaude, moite, peuplée de tonnerres
étouffés, de brises tièdes et de chants de
grillons omniprésent. Une fois de plus, mère Nature
me surprend et me comble en me réservant pareille soirée
!
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00:21
: les lampadaires du village de Blaziert paraissent insignifiants
sous les nuées pesantes ... |
...
Qui se révèlent le temps d'un éclair horizontal.
Les bases nuageuses sont élevées (quatre mille mètres
environ) et bien nettes. Et l'excellente transparence de l'air
me promet un beau spectacle en ce qui concerne les éclairs.
Puissent les précipitations rester encore un moment à
l'écart de ma position !
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00:25
: les choses sérieuses commencent, avec ce bel exemple
de double impact simultané. L'air sec, associé à
l'altitude élevée du plafond nuageux, favorise la
formation d'éclairs très ramifiés et spectaculaires.
Une observation attentive de l'image révèle la présence
d'un léger voile de pluie, juste ce qu'il faut pour souligner
d'un délicat halo la disposition élégante
de ces deux coups de foudre.
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00:26
: un triple coup de foudre maintenant ! Ce sont des conditions
de rêve pour le photographe en quête de fulgurances,
car les éclairs se multiplient et frappent maintenant avec
insistance et régularité les environs de Valence-sur-Baïse
et Béraut (vallée de la Baïse, au sud de Condom,
à une douzaine de kilomètre de l'objectif). L'éclair
de droite, particulièrement intense, est surexposé
mais la violente illumination qu'il produit permet de détailler
bien plus clairement les précipitations en train de se
déclencher sous cette cellule qui devient particulièrement
active. C'est ce dont témoigne également les bases
nuageuses qui prennent un aspect tourmenté, et présentent
même des éléments arrondis évoquant
des mammatus (en haut à droite).
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00:27
: la valse des éclairs continue, et je réalise quantité
de clichés avec souvent deux impacts simultanés.
L'appareil
est sur son trépied, et je m'abstiens bien de toucher à
son orientation car j'ai en tête une idée bien précise.
Plutôt que de publier ici une collection au final quelque
peu lassante de coups de foudre pris séparément,
j'ai superposé ces photographies successives afin de mieux
rendre l'intensité de l'activité électrique.
C'est exactement ce qu'aurait enregistré une pose prolongée
de quelques minutes, mais avec le bruit du capteur numérique
en moins :
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Et voici le résultat : la superposition de neuf clichés
pris entre 00:27 et 00:32 permet de visualiser le véritable
bombardement électrique que subit cette petite partie de
la Vallée de la Baïse. Et ce tableau spectaculaire
est agrémenté par la réapparition de la Lune,
qui tel un oeil jaune contemple à distance ce déchaînement
de foudres.
Le
pilonnement massif se rapproche, comme en témoigne ce monstrueux
double impact saisit à 00:33 :
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En
scrutant l'image, je peux déterminer que cette foudre bifide
à frappé juste au sud du village de Roquepine, c'est-à-dire
à sept kilomètres de moi. Je frémis
en imaginant ce que j'aurais à subir si un tel impact se
produisait à proximité !
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00:34
: gratification de mère Nature avec cette merveille : un
éclair qui se perd dans l'air aux teintes inattendues en
s'enroulant avec grâce autour de la Lune posée sur
son coussin de fractocumulus.(
image de la semaine - septembre 2005 ).
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00:43
: L'impact au sud de Roquepine était une exception qui
m'a momentanément donné de faux espoirs. En effet,
le gros de l'activité électrique ne fonce pas droit
sur moi mais passe à une douzaine de kilomètre à
l'ouest de ma position, suivant le cours de la Baïse en direction
du nord, en frappant Condom au passage. Dans l'image ci-dessus
se produit un puissant triple impact du coté de Llialores,
mais la vive illumination des tournesols et du paysage qui m'
environnent est produite par un énorme éclair horizontal
qui se produisit au-dessus de moi, quelques secondes auparavant.
Lorsque
l'on a à faire à un orage à bases élevées
( exemples : août 1994 et 8
août 2004), il est classique de sous-estimer dans un
premier temps sa vitesse de propagation, surtout s'il vient droit
vers l'observateur. L'extension verticale considérable
qu'y prennent les éclairs donne d'abord l'impression que
l'ensemble évolue à une faible vitesse. Mais maintenant
que je l'observe latéralement, je me rends compte que le
coeur de cet orage (responsable des éclairs ci-dessus)
sera bientôt hors de vue, masqué par un bois. Il
est temps de bondir en voiture deux kilomètres en direction
du nord, car j'y connais un avant-plan de choix :
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00:54
: les habitués de mon site retrouveront avec plaisir -je
l'espère !- les deux tours de la collégiale Saint
Pierre de La Romieu, déjà souvent photographiées
sous l'orage, sous
la Lune ou émergeant
des brouillards
de l'aube. Ce soir, la tourmente, quoique relativement distante,
vient de faire "sauter" une partie de l'éclairage
public qui se rallume doucement. Résultat : les sommets
des tours ont été plongé dans l'obscurité
et leurs noires silhouettes sont ainsi encore plus photogéniques
sur fond d'éclair !
Dès
qu'il va mettre le pied dans le Lot-et-Garonne, cet orage va très
vite perdre toute sa vigueur, et complètement se démanteler
en franchissant la Garonne pour se perdre dans le mystère
paisible d'une nuit d'été.
Mais
une dernière surprise m'attend : |
A
une heure du matin, le rideau de pluie (contenant quelques rares
petits grêlons) qui s'éloigne vers le nord est généreusement
illuminé à la faveur de la réapparition de
la Lune. Il se produit alors exactement la même chose que
si c'était le soleil qui revenait : d'innombrables gouttes
réfractent la lumière sélène et apparaît
un magnifique arc-en-ciel
nocturne, ultime cadeau de cet orage particulièrement
facile à photographier et généreux en éclairs.
Je
peux aller me coucher comblé, tout en éprouvant le
sentiment que la fin de saison me réserve encore quelques
merveilles ... |
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