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Orages du 17 août 2005

Un feu d'artifice au coeur de la nuit

Cette soirée était promise à la contemplation des cieux. Mais il s'agissait initialement de se consacrer aux astres, rassemblés autour du télescope. Mais la balade astronomique entre amis fut progressivement compromise par l'arrivée, à haute altitude, d'un voile nuageux de plus en plus opaque, condamnant toute tentative d'observation. Ces nuées de cristaux de glace étaient issues de vastes panaches produit par plusieurs cumulonimbus se développant en soirée sur les Pyrénées espagnoles. Et le flux de sud-ouest qui les amenait dans le ciel de Gascogne allait également permettre à l'instabilité présente sur la péninsule ibérique de déferler nuitamment sur le Gers.

Bien entendu, j'allais être irrésistiblement attiré par ces clignotements répétés qui illuminaient l'horizon en direction du sud et du sud-ouest. Le télescope vite rangé dans le coffre de la voiture, j'allais me poster sur un sommet de colline à deux kilomètre au sud de La Romieu pour apprécier le spectacle. Comme les lueurs d'éclair, de plus en plus fréquentes, avaient un relèvement constant (elles restaient dans la même direction) tout en paraissant de plus en plus proches, j'en déduisis qu'il y avait de bonnes chances que l'orage vienne directement sur moi.

Une fois de plus, je n'allai pas être déçu ...

 

A minuit passé de six minutes, l'activité électrique est bien présente quoique irrégulière. Aux coups de foudre intensément lumineux répondent de vastes lueurs illuminant l'armée des nuages en approche. Magie de la photographie, ces éclairs presque entièrement intranuageux permettent cependant d'enregistrer sur l'image la présence de précipitations significatives en train de passer à l'ouest de ma position, au-delà de Condom, ainsi que quelques mammatus pas très bien dessinés.

Ci-dessous : En direction du sud, je vois la limite de l'extension de la base de cet orage multicellulaire : au-delà de ces lourdes virgae, susceptible de se transformer en averses s'il n'y avait une évaporation considérable vers trois mille mètres d'altitude, le ciel est clair et la Lune presque pleine (mais masquée par les nuages) illumine un ciel serein à l'arrière plan. Ces conditions d'éclairage inhabituelles confèrent une atmosphère très particulière à cette nuit chaude, moite, peuplée de tonnerres étouffés, de brises tièdes et de chants de grillons omniprésent. Une fois de plus, mère Nature me surprend et me comble en me réservant pareille soirée !

00:21 : les lampadaires du village de Blaziert paraissent insignifiants sous les nuées pesantes ...

... Qui se révèlent le temps d'un éclair horizontal. Les bases nuageuses sont élevées (quatre mille mètres environ) et bien nettes. Et l'excellente transparence de l'air me promet un beau spectacle en ce qui concerne les éclairs. Puissent les précipitations rester encore un moment à l'écart de ma position !

00:25 : les choses sérieuses commencent, avec ce bel exemple de double impact simultané. L'air sec, associé à l'altitude élevée du plafond nuageux, favorise la formation d'éclairs très ramifiés et spectaculaires. Une observation attentive de l'image révèle la présence d'un léger voile de pluie, juste ce qu'il faut pour souligner d'un délicat halo la disposition élégante de ces deux coups de foudre.

00:26 : un triple coup de foudre maintenant ! Ce sont des conditions de rêve pour le photographe en quête de fulgurances, car les éclairs se multiplient et frappent maintenant avec insistance et régularité les environs de Valence-sur-Baïse et Béraut (vallée de la Baïse, au sud de Condom, à une douzaine de kilomètre de l'objectif). L'éclair de droite, particulièrement intense, est surexposé mais la violente illumination qu'il produit permet de détailler bien plus clairement les précipitations en train de se déclencher sous cette cellule qui devient particulièrement active. C'est ce dont témoigne également les bases nuageuses qui prennent un aspect tourmenté, et présentent même des éléments arrondis évoquant des mammatus (en haut à droite).

00:27 : la valse des éclairs continue, et je réalise quantité de clichés avec souvent deux impacts simultanés.

L'appareil est sur son trépied, et je m'abstiens bien de toucher à son orientation car j'ai en tête une idée bien précise. Plutôt que de publier ici une collection au final quelque peu lassante de coups de foudre pris séparément, j'ai superposé ces photographies successives afin de mieux rendre l'intensité de l'activité électrique. C'est exactement ce qu'aurait enregistré une pose prolongée de quelques minutes, mais avec le bruit du capteur numérique en moins :

Et voici le résultat : la superposition de neuf clichés pris entre 00:27 et 00:32 permet de visualiser le véritable bombardement électrique que subit cette petite partie de la Vallée de la Baïse. Et ce tableau spectaculaire est agrémenté par la réapparition de la Lune, qui tel un oeil jaune contemple à distance ce déchaînement de foudres.

Le pilonnement massif se rapproche, comme en témoigne ce monstrueux double impact saisit à 00:33 :

En scrutant l'image, je peux déterminer que cette foudre bifide à frappé juste au sud du village de Roquepine, c'est-à-dire à sept kilomètres de moi. Je frémis en imaginant ce que j'aurais à subir si un tel impact se produisait à proximité !

00:34 : gratification de mère Nature avec cette merveille : un éclair qui se perd dans l'air aux teintes inattendues en s'enroulant avec grâce autour de la Lune posée sur son coussin de fractocumulus.( image de la semaine - septembre 2005 ).

00:43 : L'impact au sud de Roquepine était une exception qui m'a momentanément donné de faux espoirs. En effet, le gros de l'activité électrique ne fonce pas droit sur moi mais passe à une douzaine de kilomètre à l'ouest de ma position, suivant le cours de la Baïse en direction du nord, en frappant Condom au passage. Dans l'image ci-dessus se produit un puissant triple impact du coté de Llialores, mais la vive illumination des tournesols et du paysage qui m' environnent est produite par un énorme éclair horizontal qui se produisit au-dessus de moi, quelques secondes auparavant.

Lorsque l'on a à faire à un orage à bases élevées ( exemples : août 1994 et 8 août 2004), il est classique de sous-estimer dans un premier temps sa vitesse de propagation, surtout s'il vient droit vers l'observateur. L'extension verticale considérable qu'y prennent les éclairs donne d'abord l'impression que l'ensemble évolue à une faible vitesse. Mais maintenant que je l'observe latéralement, je me rends compte que le coeur de cet orage (responsable des éclairs ci-dessus) sera bientôt hors de vue, masqué par un bois. Il est temps de bondir en voiture deux kilomètres en direction du nord, car j'y connais un avant-plan de choix :

00:54 : les habitués de mon site retrouveront avec plaisir -je l'espère !- les deux tours de la collégiale Saint Pierre de La Romieu, déjà souvent photographiées sous l'orage, sous la Lune ou émergeant des brouillards de l'aube. Ce soir, la tourmente, quoique relativement distante, vient de faire "sauter" une partie de l'éclairage public qui se rallume doucement. Résultat : les sommets des tours ont été plongé dans l'obscurité et leurs noires silhouettes sont ainsi encore plus photogéniques sur fond d'éclair !

Dès qu'il va mettre le pied dans le Lot-et-Garonne, cet orage va très vite perdre toute sa vigueur, et complètement se démanteler en franchissant la Garonne pour se perdre dans le mystère paisible d'une nuit d'été.

Mais une dernière surprise m'attend :

A une heure du matin, le rideau de pluie (contenant quelques rares petits grêlons) qui s'éloigne vers le nord est généreusement illuminé à la faveur de la réapparition de la Lune. Il se produit alors exactement la même chose que si c'était le soleil qui revenait : d'innombrables gouttes réfractent la lumière sélène et apparaît un magnifique arc-en-ciel nocturne, ultime cadeau de cet orage particulièrement facile à photographier et généreux en éclairs.

Je peux aller me coucher comblé, tout en éprouvant le sentiment que la fin de saison me réserve encore quelques merveilles ...
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