03 décembre 1999. Le solstice d'hiver était
proche, et avec lui les nuits les plus longues. La tramontane de
ce soir là me promettait une nuit glaciale, mais sèche
et totalement dépourvue de passage nuageux. La lune était
sur ses derniers jours, seul un croissant allait précéder l'aube.
La conjonction de ces trois facteurs favorables m'a décidé à saisir
l'occasion de faire la pose la plus longue que j'ai jamais tenté,
avec l'espoir d'enregistrer un des plus long filé d'étoiles que
l'on puisse réaliser sous nos latitudes.
Mais la loi de Murphy était là : arrivé dans ce coin perdu au milieu
des vignes qui surplombent les villages d'Arboras et Montpeyroux
(département de l'Hérault), je me suis aperçu que
j'avais oublié mon déclencheur souple. Après quelques tâtonnements,
je réussis à faire reposer la pointe d'une pierre sur le déclencheur
de l'appareil, ce dernier étant dissimulé dans un cairn (monticule
de pierres) fabriqué pour l'occasion. Seul l'objectif dépassait,
oeil patient avide de lumières d'étoiles, prisonnier de sa mini-forteresse
de calcaire. Je n'ai pas employé de trépied pour trois raisons :
risque de renversement par le vent (riez donc, vous autres qui ne
connaissez pas la tramontane ou le mistral ! Venez donc faire de
l'astronomie en hiver dans le midi, vous comprendrez !), renversement
par les sangliers (très abondants) et risque de fauche par des passants
(très peu abondants !).
Une fois certain que l'obturateur resterait bien ouvert, j'ai abandonné
mon brave Pentax ME super, avec son bon gros fisheye résolument
dirigé en direction du nord, tourné vers le massif
du Saint
Baudille et l'étoile polaire. Il était 18h50. Au cours
de la nuit, je n'arrêtais pas de penser à mon boîtier livré
à lui-même, si seul au milieu des cailloux et des vignes.
M'arrachant à ce mauvais sommeil avant l'aube, je suis retourné
le voir, pour mettre fin à 6h30 à cette pose de 700 minutes (11h40
!). Et voici le résultat : un filé d'étoile vertigineux, où l'on
constate aisément la rotation de l'étoile polaire elle-même, preuve
qu'elle n'est pas exactement dans le prolongement nord de l'axe
de rotation de notre planète.
Juste à sa gauche, vous pouvez remarquer une minuscule traînée.
Cette étincelle n'est pas une étoile filante, mais
la trace du bref reflet du Soleil sur un satellite Iridium. Ces
éclats lumineux (in english "Iridium Flare") atteignent
parfois une luminosité impressionnante, et le site Heavens
Above permet de déterminer les éphémérides
en fonction de votre lieu d'observation. Complètement à
gauche de l'image, une traînée coudée trahit
le passage d'un avion de ligne.
Si vous aimez cette image, n'oubliez surtout pas, en la regardant,
que ce n'est pas le ciel qui tourne, mais nous ...
(Technique : comme toujours
boîtier Pentax Me super, objectif fisheye Sigma 15 mm f./2.8
ouvert à 5.6; pellicule Kodak Elite 100; pas de trépied
ni de déclencheur souple !)
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