Kitao/ Édition spéciale : tuba du 12 mai 2004

TUBA DU 12 MAI 2004

J' étais nerveux en ce mercredi 12 mai : dès le début de l' après-midi les nuages convectifs avaient pris des proportions impressionnantes, et au moment où je devais partir au travail il était clair qu' il allait y avoir du vilain dans les heures qui suivent ...

Il doit être près de 16h00 lorsque je prends cette photographie panoramique en direction du nord. Vu de la terrasse du Château de Saint Puy, un orage vigoureux approche dans un flux de nord. Notez les spectaculaires bourgeonnements visibles sur la gauche.

La partie active de ce cumulonimbus probablement multicellulaire va passer à l'est de ma position, remontant en gros la vallée du Gers. Sa base sombre est assez impressionnante alors qu'il dépasse Fleurance pour se diriger vers Auch.

Je me retrouve dans le genre de situation que je redoute : assister à une configuration météorologique intense tout en devant faire face à des obligations professionnelles. Heureusement, la fréquentation est faible et j' ai souvent l'occasion de jeter un coup d'oeil par les fenêtres ou, mieux encore, d'aller sur la terrasse qui offre une vue fantastique sur tout les environs. Je dois bien concéder que j'ai quand même beaucoup de chance, par rapport à l'époque ou, enfermé dans l'immense centre commercial de Montpellier, sans aucune vue sur le ciel, je devais me contenter du bruit de la grêle sur la toiture ...

Ma nervosité est néanmoins grande, car j'ai l'intuition que ce cumulonimbus me réserve une surprise. Intuition qui allait se vérifier ...

Peu après 17h00, je rentre de la terrasse, où je viens de faire un tour d' horizon. Mais un besoin impérieux me fait jeter dès l' instant qui suit un coup d'oeil par la fenêtre sud, pas très facile d' accès, mais ayant l' avantage d' offrir une vue vers l' orage qui se trouve maintenant en direction du sud-sud-est, certainement non loin d'Auch. Et c'est à ce moment que je découvre, incrédule, un appendice suspendu sous la base du cumulonimbus, bien droit, sinistre et sombre comme le nuage qui est en train de l'enfanter. Une tornade est en train de naître sous mes yeux !!!

Bizarrement, je referme d' abord posément la fenêtre. Puis soudain, non sans un juron bien senti, je me jette sur mon fourre-tout et me précipite (à une vitesse dont je ne me croyais pas capable !) sur la terrasse, manquant de défoncer la porte vitrée au passage.

Après une courte course jusqu'au rempart sud, je m' empare du téléobjectif de 300 mm, car le phénomène est distant. Surexcité, je tremble et j' oublie au début de faire la mise au point. La base du nuage est si sombre qu' il me faut employer le 125ème de seconde même à pleine ouverture (f./5.6), et au second cliché je réalise qu' il faut impérativement que je prenne appui sur le mur pour éviter un flou de bougé trop important.

Suffit pour la technique ! Voici le spectacle :

Ce tuba F0 est beaucoup plus lointain que la ferme que vous pouvez apercevoir sur le sommet de la colline. Cette dernière se trouve à 7 kilomètres, alors que le tuba est distant de 20 à 25 km, c'est à dire pas très loin de l'aérodrome d'Auch-Lamothe où se trouve la station départementale de Météo France !

J' ai manifestement eu la chance de saisir le phénomène à son maximum d' intensité, car les clichés réalisés dans la minute qui suit montrent la rapide disparition du tuba :

Sur ces deux dernières images, il n' est pas exclu qu 'une trace du nuage-mur soit visible (base légèrement surbaissée de part et d' autre du tuba).

Médusé et pantelant, je reste un moment sur la terrasse, me demandant si je n' ai pas rêvé. Je me sens terriblement partagé entre la joie d' avoir pu saisir cette manifestation atmosphérique rare et furtive, et le besoin impérieux de filer en voiture à la poursuite cet orage si intéressant. Cruel dilemme ...

Je dois m' estimer heureux de pouvoir continuer à observer l' évolution de cet orage (qui malheureusement s' éloigne de moi). La suite allait s' avérer fort intéressante :

Après quelques courtes minutes, la base du cumulonimbus laisse apparaître une structure révélatrice d' une configuration dynamique des plus intéressantes ...

Les mouvements des nuages sont assez rapides pour être facilement distingués. Imaginez en plus les fréquentes lueurs d' éclairs, noyés dans le noyau de précipitation se trouvant au-delà (contre le coté gauche de la photo).

Sur le cliché ci-dessus, les choses se précisent, et il me semble bel et bien que se révèle maintenant un nuage-mur en rotation. Gros plan :

Il y avait un rapide mouvement ascendant en diagonale vers la droite, révélant une vorticité cyclonique. Avec quelques flèches cela sera peut-être plus clair :

Cela n' est pas sans me rappeler la photographie illustrant la double page 90-91 dans l' ouvrage "Traqueur d' Orages" d'Alex Hermant.

Dommage que j' ai pas pu voir cela de plus près. Mais la saison 2004 ne fait que commencer, et les mois qui viennent seront certainement riches en surprise ...

Vos commentaires sont les bienvenus !

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