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ORAGE DU MERCREDI 4 JUIN 2003

Rendez-vous avec la violence et le chaos. Je n'ai pas le réflexe de noter l'heure exacte alors que je me précipite à la rencontre d'un arcus monstrueux et verdâtre. Il doit être dans les huit heure et demie lorsque je me retrouve bouche bée devant ce nuage bas roulant sur la campagne qu'il avale dans une nuit incroyable. On dirait une gueule avide scintillante d'éclairs, engloutissant les collines les unes après les autres à une vitesse ahurissante. Je réalise cette paire de photos :

La charge de la bête est impressionnante. Et elle fonce droit sur moi !

La menace vient du sud-ouest.

Sur cette photographie, une bande claire sépare le rouleau nuageux de l'horizon : c'est l'illumination incessante par les éclairs noyés dans le rideau d'intenses précipitations qui en est responsable (durée de la pose : 1 seconde, objectif fish-eye Sigma 15 mm f.2.8).

Je bondis dans ma voiture pour tenter de jouer au plus malin en précédant l'arcus dans sa progression vers l'est. Tentative naïve et dérisoire, j'avais vraiment sous-estimé la vitesse du monstre ! ...

J'ai beau foncer à une allure franchement déraisonnable, le rouleau nuageux me rattrape et m'avale comme un microbe. Je me sens vraiment très, très petit (et je crois que j'aime ça), et maintenant d'énormes gouttes de pluie commencent à frapper les vitres de ma voiture que malmènent de violentes rafales. Aussitôt je dois diminuer ma vitesse en conséquence (heureusement que j'ai eu pas mal d'entraînement ces derniers jours !). Encore quelques secondes et je me retrouve complétement immergé dans une folle dégringolade liquide sous des décharges internuageuses continues. Je me gare dès que je le peux, et assiste avec une inquiétude grandissante au déchaînement des éléments.

Il n'est pas envisageable de prendre des photos dans ces conditions, bien entendu. Je filme cette répétition générale de l'apocalypse sous le bruit assourdissant de la grêle qui vient blanchir la route et les champs. La visibilité se réduit à quelques dizaines de mètres, le vent est complètement fou, les arbres sont secoués en tout sens, cela me rappelle décembre 1999 mais avec quelque chose de plus sauvage, de plus fou. Les branches qui se cassent s'envolent plutôt que de tomber à terre, et l'essuie-glace n'essuie plus rien du tout même en vitesse rapide. Je réalise que je suis en train de vivre l'orage le plus violent que j'ai jamais connu ! Pourtant j'en ai vu d'autres, mais jamais une combinaison aussi paroxysmique des différents éléments (pluie + grêle + vent + éclairs). Et ça n'en fini pas !

En même temps, je m'inquiète de plus en plus au sujet de ce qui peut se passer chez moi. La maison est, par son isolement dans les champs, bien exposée à la foudre et je n'ose imaginer ce qui se passerait si un superbolt frappait l'écurie ! C'est pour cela que je tente de reprendre la route dès qu'un semblant d'amélioration se dessine. Mauvaise idée !

Roulant prudemment, je rencontre au bout de quelques centaines de mètres des langues de brouillards courant au ras de la route, poussées par le vent. Un brouillard très dense et très blanc. Je n'ai pas le temps de comprendre ce qui se passe que voici que je traverse une sorte de double talus blanc disposé en diagonale sur la chaussée. Je réalise seulement trop tard qu'il s'agit d'énormes tas de grêlons déposé là par un torrent qui s'est formé sur le bord droit de la route. Ce n'est qu'une fois arrêté que je discerne avec difficulté cette masse d'eau qui longe la route en pente à une vitesse vertigineuse. Juste un peu plus loin, dans le faisceau de mes phares, ce torrent boueux submerge complètement le goudron et la route disparaît sous les pierres et les mottes de terre roulées par la force des eaux. Attention danger ! Il se peut que la départementale soit sapée par les flots déchaînés, et je sais par expérience qu'il s'agit là d'un risque qui est hélas ignoré par les conducteurs confrontés à de telles situation. Une chaussée d'apparence pourtant intacte peu très bien n'être plus qu'une plaque de quelques centimètres d'épaisseur de bitume, suspendue au-dessus du vide creusé par le travail de sape de cet incroyable torrent qui n'existait pas encore dix minutes auparavant !

Je me débrouille pour rentrer chez moi par des chemins évitant les points bas. La pluie diminue, s'arrête presque par moment, et une activité électrique différente se met en place. L'amélioration de la visibilité permet de distinguer des foyers orageux dans différentes directions, et de superbes éclairs frappent à plusieurs reprises les environs de La Romieu.

Enfin de retour chez moi, j'apprends qu'effectivement il s'est passé quelquechose pendant mon absence : rien de moins que le passage d'un traceur horizontal devant l'ouverture de l'écurie ! J'aurais mieux fait de rester chez moi pour voir ça plutôt que d'aller faire le zouave dans des situations qui me dépassent !


Voici quelques images des dégâts tels que je les ai découverts le lendemain matin :

Salade de feuille de chêne sur la route.

Masse de boue et de grêlons : 4 x 4 bienvenu !

13 heures après l'orage, les grêlons sont toujours là.

Exemples de ravinement. Merci le remembrement ...

ORAGES 2003