Cette première soirée de printemps fut également ma première soirée de course aux orages. Cédant à l'attrait des nuées formidables que j'imaginais peuplées de foudres, je parcouru une trentaine de kilomètres en direction du nord, quittant le Gers pour gagner le Lot-et-Garonne, tâchant de trouver des points de vue me permettant de contempler à loisir ces fureurs distantes.

Tandis que se couchait le soleil, les orages jetaient déjà leurs derniers feux, les cumulonimbus perdant soudain de leur superbe au moment où les derniers rayons de notre étoile les aspergeaient de rose et d'orange. Je n'avais plus qu'à rentrer chez moi !

C'est un beau crépuscule qui s'annonçait, doté de couleurs pures portées par l'air limpide succédant aux pluies. En entamant le chemin du retour, je me suis souvenu de ce lac qui, l'automne dernier, m'avait offert le splendide spectacle de son miroir reflétant l'embrasement vespéral. Scène magique que celui de cet îlot suspendu entre le ciel et son reflet ! Mais les circonstances d'alors ne me permettaient pas de photographier ce déploiement de couleurs. Je gardais l'image sous le coude, ayant noté les circonstances qui, réunies, avaient enfanté la magie. Quatre mois et vingt jours plus tard, allais-je être comblé ? Je n'avais plus qu'à me rendre sur les rives du lac de Lamontjoie pour le savoir ...

J'éprouve un réel bonheur à cueillir ainsi ces couleurs précieuses au bord de l'onde, a devenir une sentinelle silencieuse se glissant entre ombre et lumière. Lorsque je contemple le jour qui s'éteint, la nuit qui se lève, auditeur amoureux de l'éveil de la vie nocturne, il me semble que le temps n'existe plus. P'tits bouts d'éternité qui nourrissent le sentiment confus d'approcher de l'essentiel.

Est-ce prétentieux ? C'est en tout cas sincère ...