Poussée par un vigoureux vent d'ouest, une averse parcourt les coteaux de Gascogne. A son arrivée, les rafales font siffler les branches des grands chênes, ôtent quelques feuilles qui avaient résisté jusque là aux assauts de l'automne. Les champs dépouillés reçoivent la pluie froide dans leurs gras sillons, pour retrouver le soleil après quelques minutes.

Voici des scènes caractéristiques d'un ciel de traîne, celui qui succède au passage d'une perturbation. Ce temps très changeant est révélateur de l'instabilité de l'atmosphère sous l'irruption de l'air froid en altitude. La thermodynamique est comme toujours à l'oeuvre, et le retour à un certain équilibre prend le visage d'un défilé de cumulus plus ou moins joufflus, souvent porteurs de pluies intenses mais brèves, parfois ponctuées d'un coup de tonnerre.

Le ciel de traîne est aussi une fête de la lumière. L'air est limpide, lavé par les pluies qui ont jeté au sol poussières et particules en suspension. Les contrastes sont intenses sur un paysage aux couleurs rehaussés par l'éclairage oblique d'un soleil qui reste bas sur l'horizon à toute heure de la journée - le solstice n'est pas loin. Ce sont justement ces rayons inclinés, proches de l'horizontale, qui sont particulièrement aptes à pénétrer la foule des gouttes qui se précipitent sous la nuée. Les photons solaires ont franchi jusque là sans encombre quelques cent cinquante millions de kilomètres en droite ligne; mais à la rencontre de cette multitude liquide, il se dispersent et s'éparpillent.

Il émerge néanmoins un ordre remarquable de ce chaos, à condition d'observer cet affrontement sous l'angle approprié. Par le jeu de la réfraction et de la réflexion au sein de chaque goutte de pluie, les photons sont renvoyés selon un angle qui varie subtilement en fonction de leur énergie. Ainsi sagement rangés selon leur couleur, ces rayons refractés se juxtaposent et forment le vibrant arc-en-ciel qui salue le passage de l'ondée bienfaitrice, alliance de la terre et du ciel.